Le réchauffement climatique est, selon toute probabilité, le résultat de l’injection par l’Homme, de quantités importantes de gaz à effet de serre, les GES, principalement du CO2 issu de la combustion des carburants fossiles.
Ces GES exercent ce qu’on appelle un forçage radiatif positif qui, par le biais de rétroactions, provoque lui-même un réchauffement (RC) sensible de la biosphère.
A titre d’exemple un doublement de la teneur en CO2 dans l’atmosphère entraîne un forçage de 3.7W/m2 occasionnant selon les modèles du moment un RC de l’ordre de 3°C.
La seule façon faisable techniquement et économiquement permettant d’endiguer le RC est l’injection d’aérosols dans la stratosphère afin de réfléchir une partie de la radiation solaire vers l’espace et de provoquer ainsi un forçage négatif.
Ce processus fait partie de la SRM (Solar Radiation Management) elle-même sous domaine de la géo ingénierie (GI).
Pourquoi la stratosphère?
Parce que les aérosols en question y ont une durée de vie 100 fois plus longue que dans la troposphère où ils sont très rapidement lavés par les pluies.
La solution envisagée jusqu’à maintenant était d’y injecter du SO2, formant par la suite de l’H2SO4 et donc des aérosols essentiellement sulfatés.
Il s’agit donc de reproduire, mais de façon maîtrisée, un processus tout à fait naturel: les émissions de SO2 volcaniques.
Inconvénient: on suspecte ces aérosols de réduire la quantité d’ozone dans la stratosphère, ce qui pourrait, à terme et dans certaines régions, augmenter le rayonnement UV au sol.
Dans ce cadre, l’étude de Keith et al 2016 est intéressante parce qu’elle envisage l’injection d’un minéral très répandu sur Terre, la calcite (CaCO3) en lieu et place du SO2.
Par cette technique, non seulement l’ozone ne serait pas directement atteinte mais sa concentration augmenterait même.
Les aérosols formés par injection de CaCO3 et réaction avec les acides halogénés (HCl, HNO3,…) présents naturellement dans la stratosphère auraient également l’avantage de provoquer un réchauffement de la basse stratosphère 10 fois moindre que celui provoqué par le SO2.
S’il est rappelé (diplomatiquement à mon sens) que ce procédé ne peut se substituer à l’arrêt des émissions de GES, il peut constituer un complément utile pour minimiser les risques du RC.
Quantité de calcite à injecter annuellement.
Les auteurs indiquent que 2.1 millions de t/an seraient nécessaires pour provoquer un forçage radiatif de -1W/m2.
Pour contrer le doublement, probable, de la teneur en CO2 (ou équivalent) il faudrait donc 7.8Mt/an, disons 10Mt/an pour aller au delà.
capacité technique actuelle
Ce chiffre peut faire peur.
Néanmoins, si on réfléchit un peu, l’injection par une flotte d’avions un peu modifiés pour voler plus haut, vers 17-20km d’altitude, est tout à fait faisable.
A titre d’exemple l’altitude maximale des gros jets civils est de l’ordre de 13km.
Elle peut aller jusqu’à 27km comme pour le Blackbird par exemple.
Au niveau de la masse à injecter, 10 Mt/an, c’est 10% du frêt aérien mondial.
Sans parler du transport de passagers 3milliards/an soit environ 300 millions de tonnes/an.
Il faudrait plutôt raisonner en tonnes km, mais si on raisonne simplement en tonnes, le transport aérien représente 400 Mt/an.
10Mt/an c’est peanuts comparé à ces chiffres.
Idem pour l’empreinte carbone de cette injection, elle est ridiculement petite.
En conclusion
Un argument qu’on entend souvent est que si on arrête l’injection d’aérosols, le RC reprend rapidement, de plus belle car on aura continué à émettre sans vergogne des GES.
Cet argument ne tient pas à mon sens, car ce n’est pas la peur du RC qui peut faire réduire les émissions mais plutôt la peur de manquer, un jour, de carburant fossile (charbon, pétrole, gaz).
Et ce n’est pas la peur du RC qui va nous faire construire des éoliennes par millions ainsi que des panneaux solaires par dizaines de milliers de km2.
De plus, pourquoi arrêter?
Le diabétique ne doit-il pas prendre de l’insuline toute sa vie, au risque de mourir du jour au lendemain s’il arrête?
Pour ne pas déclencher de famines et de morts par centaines de millions, ne doit-on pas injecter annuellement des centaines de millions de tonnes d’engrais et de pesticides dans les terres cultivées?
Que se passerait-il si on arrêtait, tenez, ne serait-ce que 2 ans?
Les exemples sont infinis d’activités humaines absolument indispensables.
Qu’on le veuille ou non, la société humaine, avec sa démographie énorme, doit s’accommoder de façon de plus en plus prégnante avec la Nature, pour survivre tout simplement.
Ou alors il faut trouver un moyen de n’être plus que quelques centaines de millions d’individus sur Terre.
Absurde.
L’obstacle principal envers l’application de la SRM dans le cadre d’une géo ingénierie maîtrisée, ne réside pas dans la science encore moins dans la technique.
La bien-pensance actuelle, moralisatrice et envahissante, refuse ce genre de solution au profit d’une autre, complètement impossible au cours de ce siècle, à savoir l’arrêt des émissions de GES et même des émissions négatives.
Mais l’actualité nous prouve que les modes passent et que les bien-pensances d’un jour ne sont pas forcément celles du lendemain ou plutôt que certains se lèvent enfin pour les contrecarrer.
Alors gardons l’espoir que l’Humanité saura se sortir de son impasse actuelle, du moins dans ce domaine du RC et de ses conséquences.
Cela implique, avant tout, qu’elle adopte des solutions réfléchies, débarrassées de toute contingence moralisatrice mettant en jeu des notions de bien et de mal, finalement très sectaires et souvent hors de propos.
Tout à fait d’accord avec ton développement. Je trouve de plus en plus insupportable le discours prédicant qui ne cesse de vouloir culpabiliser l’homme (en instillant la peur par le catastrophisme de surcroît) d’être ce qu’il est : un homo faber technologicus. C’est bien plus par cette qualité-là (son ingéniosité technique, cela va sans dire) que l’homme trouvera la solution aux énormes défis de l’avenir, que par une attitude rétrograde et passéiste, vaguement colorée de romantisme naïf et dangereux.
Dois-je rappeler que nous sommes 7,2 milliards d’humains sur la terre, et, qu’on le veuille ou non, toutes ces personnes aspirent à prospérer comme nous : il faut donc bien se résoudre à vivre avec cette réalité. L’homme n’a jamais cessé de faire des compromis avec la Nature qui, au passage, il ne faut pas l’oublier, se moque éperdument des pauvres créatures que nous sommes !
Brochant sur le tout, j’ai du mal à imaginer que l’humanité puisse venir à bout de la planète, malgré son insatiable voracité. A l’inverse, l’univers n’aurait aucune peine à nous anéantir (et les moyens dont il dispose ne manquent pas) si « le désir » lui prenait d’en finir avec notre espèce.
Pour conclure, je dirai qu’il faut, sur ce sujet, raison garder ; pratiquer une écologie globale, pragmatique, qui prenne conscience que la sauvegarde de l’environnement ne peut se faire au détriment de la civilisation, car l’idée d’un retour à un monde édénique et sans tache est une vision sotte et criminelle qui ne repose que sur des fantasmes archaïques et religieux.
PS : merci pour ton blog, Meteor. Excellent travail. Et lucide surtout. Continue.
bip bip bip
Réduire le bilan radiatif est une technique intéressante, cependant si il y a trop de CO2 dans l’atmosphère, le plus pertinent est une solution de puits de CO2.
Cela peut être de préserver, développer un couvert végétal qui capture le CO2: pauvres forêts tropicales.
Cela peut être favoriser le puits CO2 des océans (c’est 50% des captures) en augmentant son Ph. Le CO2 s’y dissout alors à grande vitesse et des carbonates se forment est coule au fond des océans durablement.
On règle le problème des émissions à la racine.
C’était juste un essai pour voir si je pouvais encore commenter
Je me disais que Météor a encore tourné sa veste vers les prises de décisions de la doxa scientifique et politique pour contrecarrer les agissements des hommes envers les variations climatiques ; mais avec les conclusions je suis rassuré
Je suis d’ailleurs étonné que dans ton article n’apparaît pas le mot d’ALBEDO ; parce que en dehors de cela , il faut respecter la thermo : ce qu’on rajoute ou ce qu’on enlève à la stratosphère , se retrouve dans la troposphère, mis à part ce qu’on injecte en brûlant du fossile , ce qui représente 1/10 OOO ème de ce que nous envoie le soleil
Le premier GES est la vapeur d’eau , et les nuages qui en résultent sont le premier responsable de l’albédo de la Terre ; je pense donc que plutôt d’envoyer de la calcite dans la strato , il serait plus judicieux d’y envoyer de la vapeur d’eau ; en envoyant de la vapeur d’eau dans l’atmosphère on refroidit les zones tropicales via l’albédo; et on réchauffe les pôles via ses qualités de GES; tout le monde y sera content (sauf les ours blancs bien sûr )
Sinon , quelle idée à la con, de réchauffer la stratosphère avec du CO2 issu inexorablement de la calcite qui nous enverra ses backradiations
A+
pour te lire
Frederic Sommer
Ca fait des siècles que certains jouent aux apprentis-sorciers, on voit où ça nous a mené, il serait temps que l’homme (mammifère primate) s’il veut perdurer reprenne sa vraie place dans une nature dont il n’est qu’un élément.
Remontons dans les arbres !
Il manque dans l’article une indication du nombre d’années pendant lesquelles il faudrait pratiquer cette injection de 10Mt/an de calcite.
tous les ans, tant que le CO2 en excès est présent.
on est condamné à injecter pendant des centaines d’années, mais c’est la rançon qu’on doit payer.
enfin si on veut revenir à la température d’avant…